Inflammation et maladies auto-immunes : un lien central et une progression inquiétante
Rédaction : Anne-Christine DUSS, Nutritionniste
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont des pathologies complexes qui englobent des comportements alimentaires anormaux et des attitudes dysfonctionnelles à l’égard de la nourriture, du corps et de l’image de soi. Les principaux types de TCA incluent l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie, mais il est essentiel de comprendre que ces comportements ne sont pas les causes premières du trouble. En réalité, ce sont des symptômes qui signalent des dysfonctionnements plus profonds au niveau psychologique, émotionnel et biologique.
Qu’est-ce qu’une maladie auto-immune ?
Les maladies auto-immunes surviennent lorsque le système immunitaire, censé protéger l’organisme, attaque par erreur ses propres cellules et tissus. Cette attaque est médiée par des lymphocytes B et T autoréactifs, accompagnée de la production d’auto-anticorps. Parmi les maladies les plus courantes, on trouve la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, la maladie de Crohn, le lupus ou encore la thyroïdite de Hashimoto.
Le rôle clé de l’inflammation
L’inflammation est une réaction naturelle du système immunitaire face à une agression. Toutefois, dans les maladies auto-immunes, cette inflammation devient chronique et autodestructrice.
- Cytokines pro-inflammatoires : Des molécules comme le TNF-α, l’IL-1β et l’IL-6 sont libérées en grande quantité et entretiennent une activation continue du système immunitaire.
- Cercle vicieux : Les tissus endommagés libèrent des signaux de danger (DAMPs), qui stimulent davantage le système immunitaire.
- Conséquences : Cette inflammation chronique provoque des lésions articulaires, intestinales, neurologiques ou hormonales, selon la maladie concernée [1].
Une explosion des cas depuis 30 ans
Les maladies auto-immunes augmentent de manière constante. Selon une étude publiée dans The Lancet (2023), la prévalence mondiale a augmenté de plus de 7 % en 30 ans [2]. Cette progression est multifactorielle.
Les causes majeures de cette progression
1. La théorie hygiéniste
Dans les sociétés industrialisées, la réduction drastique des infections dans l’enfance entraîne une sous-stimulation du système immunitaire, qui devient plus susceptible de réagir contre le soi [3].
2. Dysbiose intestinale
Le microbiote intestinal joue un rôle central dans la régulation immunitaire. Sa perturbation par les antibiotiques, une alimentation pauvre en fibres ou le stress augmente la perméabilité intestinale, facilitant le passage d’antigènes et le déclenchement de réactions auto-immunes [4].
3. Pollution et toxines environnementales
Les perturbateurs endocriniens, les métaux lourds et les pesticides sont capables d’activer des récepteurs immunitaires ou de mimer certaines hormones, déréglant le système de tolérance au soi [5].
4. Régime alimentaire occidental
Riche en sucres, en acides gras oméga-6 et en additifs, le régime moderne favorise une inflammation de bas grade. Certains composés, comme le gluten modifié ou les émulsifiants, peuvent aussi altérer la muqueuse intestinale [6].
5. Stress chronique
Le stress chronique dérègle l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, modifie la production de cortisol et favorise l’inflammation. Il a été associé à une augmentation du risque de maladies auto-immunes comme le lupus ou la sclérose en plaques [7].
6. Facteurs hormonaux et génétiques
Les femmes sont génétiquement plus prédisposées, et les hormones sexuelles (oestrogènes notamment) influencent l’expression des gènes de l’auto-immunité. Certaines maladies sont fortement liées au chromosome X [8].
Le microbiote comme clé diagnostique et thérapeutique
Le microbiote intestinal ne se contente pas de moduler le système immunitaire : il reflète également l’état inflammatoire de l’organisme. Aujourd’hui, les analyses de selles permettent d’évaluer la diversité microbienne, la présence de marqueurs inflammatoires (comme la calprotectine), et même la production de métabolites à effet immunomodulateur. Ces examens peuvent soutenir le diagnostic de maladies comme la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique ou la polyarthrite en lien avec le microbiote.
Parallèlement, les prises de sang permettent la recherche d’éléments comme les auto-anticorps (anti-nucléaires, anti-ADN, anti-TPO), des marqueurs inflammatoires systémiques (CRP, VS, cytokines) et des déséquilibres nutritionnels ou hormonaux. Combinées, ces analyses offrent une vision globale du terrain immunitaire et de son degré d’inflammation.
Prévention et approches de soutien
Bien qu’il n’existe pas de solution unique, plusieurs stratégies permettent de réduire le risque ou de modérer les symptômes :
- Nettoyage du terrain inflammatoire par des protocoles de détox spécifiques.
- Adopter une alimentation anti-inflammatoire (type méditerranéenne).
- Restaurer un microbiote diversifié avec des prébiotiques et probiotiques.
- Réduire l’exposition aux toxines environnementales.
- Pratiquer une activité physique régulière.
- Gérer le stress avec la méditation, la respiration ou la psychothérapie.
Conclusion
Le lien entre inflammation et auto-immunité est un pilier de la compréhension des maladies chroniques modernes. La hausse constante de ces pathologies reflète des changements profonds dans nos modes de vie et notre environnement. Une meilleure connaissance de ces mécanismes permet d’agir en amont, pour prévenir, apaiser et accompagner ces troubles qui touchent de plus en plus d’individus, souvent jeunes.
Références
- Rose, N.R. (2016). Negative selection, epitope mimicry and autoimmunity. Current Opinion in Immunology.
- The Lancet (2023). Global epidemiology of autoimmune diseases: trends and challenges.
- Bach, J.F. (2002). The effect of infections on susceptibility to autoimmune and allergic diseases. New England Journal of Medicine.
- Belkaid, Y., & Hand, T. (2014). Role of the microbiota in immunity and inflammation. Cell.
- De Luca, C. et al. (2010). The role of environmental pollutants in immune system dysfunction. Journal of Toxicology.
- Boutron-Ruault, M.C. (2019). Diet, gut microbiota and immunity: a complex interplay. Nutrition Reviews.
- Dhabhar, F.S. (2009). A Hassle a Day May Keep Autoimmunity Away? Biological Psychiatry.
- Whitacre, C.C. (2001). Sex differences in autoimmune disease. Nature Immunology.